Les Fables de la Fontaine
Quelques fables de la Fontaine illustrées par les étiquettes de vin.
Une partie de la collection de notre Confrère Jean Pierre Bangerter
Le Corbeau et le Renard
Maître Corbeau, sur un arbre perché, tenait en son bec un fromage. Maître Renard, par l’odeur alléché, lui tint à peu près ce langage:
Et bonjour, Monsieur du Corbeau, que vous êtes joli! que vous me semblez beau! Sans mentir, si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie, et pour montrer sa belle voix, il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute. Le Corbeau honteux et confus jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
La Cigale et la Fourmi
La Cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine chez la Fourmi sa voisine, la priant de lui prêter quelque grain pour subsister jusqu’à la saison nouvelle. Je vous paierai, lui dit-elle, avant l’août , foi d’animal, Intérêt et principal. La Fourmi n’est pas prêteuse. C’est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. Nuit et jour à tout venant je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? j’en suis fort aise : Et bien ! dansez maintenant.
Le Chat et les deux Moineaux
A Monseigneur le duc de Bourgogne
Un Chat, contemporain d’un fort jeune Moineau, fut logé près de lui dès l’âge du berceau.
La Cage et le Panier avaient mêmes Pénates. Le Chat était souvent agacé par l’Oiseau :
L’un s’escrimait du bec, l’autre jouait des pattes. Ce dernier toutefois épargnait son ami.
Ne le corrigeant qu’à demi, il se fût fait un grand scrupule d’armer de pointes sa férule.
Le Passereau, moins circonspec, lui donnait force coups de bec. En sage et discrète personne,
Maître Chat excusait ces jeux : entre amis, il ne faut jamais qu’on s’abandonne
Aux traits d’un courroux sérieux. Comme ils se connaissaient tous deux dès leur bas âge,
Une longue habitude en paix les maintenait. Jamais en vrai combat le jeu ne se tournait … lire la suite
La Tortue et les deux Canards
Une Tortue était, à la tête légère, qui, lasse de son trou, voulut voir le pays. Volontiers on fait cas d’une terre étrangère : Volontiers gens boiteux haïssent le logis. Deux Canards à qui la commère communiqua ce beau dessein, lui dirent qu’ils avaient de quoi la satisfaire : Voyez-vous ce large chemin ? Nous vous voiturerons par l’air en Amérique . Vous verrez mainte république, maint royaume, maint peuple; et vous profiterez des différentes mœurs que vous remarquerez. Ulysse en fit autant. On ne s’attendait guère de voir Ulysse en cette affaire. La Tortue écouta la proposition. Une fois l’affaire conclue , les oiseaux forgent une machine pour transporter la voyageuse .
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La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf
Une Grenouille vit un Bœuf qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf, envieuse s’étend et s’enfle, et se travaille pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : Regardez bien, ma sœur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ?
Nenni. M’y voici donc ? Point du tout. M’y voilà ? Vous n’en approchez point. La chétive Pécore s’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, tout petit prince a des ambassadeurs, tout marquis veut avoir des pages.
Le Loup et L’Agneau
La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l’allons montrer tout à l’heure.
Un Agneau se désaltérait dans le courant d’une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure, et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l’Agneau, que votre Majesté ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère que je me vas désaltérant dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d’Elle, et que par conséquent, en aucune façon, je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle, et je sais que de moi tu médis l’an passé.
L’Ane portant des reliques
Un Baudet chargé de reliques s’imagina qu’on l’adorait.
Dans ce penser il se pavanait, recevant comme siens l’encens et les cantiques.
Quelqu’un vit l’erreur, et lui dit :
Maître Baudet, ôtez-vous de l’esprit une vanité si folle.
Ce n’est pas vous, c’est l’idole, à qui cet honneur se rend, et que la gloire en est due.
D’un magistrat ignorant c’est la robe qu’on salue.
L’Ane vêtu de la peau du Lion
De la peau du Lion l’Âne s’étant vêtu, était craint partout à la ronde,
Et bien qu’Animal sans vertu, il faisait trembler tout le monde.
Un petit bout d’oreille échappé par malheur découvrit la malhonnêteté et l’erreur.
Martin fit alors son office.
Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice s’étonnaient de voir que Martin chassât les Lions au moulin.
Force gens font du bruit en France par qui cet apologue est rendu familier.
Un équipage cavalier fait les trois quarts de leur vaillance.
Le Cerf et la Vigne
Un Cerf, à la faveur d’une Vigne fort haute et telle qu’on en voit en de certains climats , s’étant mis à couvert, et sauvé du trépas, les Veneurs pour ce coup croyaient leurs Chiens en faute.
Ils les rappellent donc. Le Cerf hors de danger broute sa bienfaitrice ; ingratitude extrême.
On l’entend, on retourne, on le fait déloger, il vient mourir en ce lieu même.
J’ai mérité, dit-il, ce juste châtiment : profitez-en, ingrats. Il tombe en ce moment.
La Meute en fait curée. Il lui fut inutile de pleurer aux Veneurs à sa mort arrivés.
Vraie image de ceux qui profanent l’asile qui les a conservés.
Le vieux Chat et la jeune Souris
Une jeune Souris, de peu d’expérience, crut fléchir un vieux Chat implorant sa clémence, et payant de raisons le Raminagrobis :
Laissez-moi vivre : une Souris de ma taille et de ma dépensee est-elle à charge en ce logis?
Affamerais-je, à votre avis, l’Hôte, l’Hôtesse, et tout leur monde ?
D’un grain de blé je me nourris ; une noix me rend toute ronde.
A présent je suis maigre ; attendez quelque temps, réservez ce repas à Messieurs vos Enfants.
Ainsi parlait au Chat la souris attrapée.
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Le Lion et le Chasseur
Un fanfaron, amateur de la chasse, venant de perdre un chien de bonne race qu’il soupçonnait dans le corps d’un lion, vit un berger. « Enseigne-moi, de grâce, de mon voleur, lui dit-il, la maison, que de ce pas je me fasse raison. »
Le berger dit : « C’est vers cette montagne. En lui payant de tribut un mouton par chaque mois, j’erre dans la campagne comme il me plaît ; et je suis en repos. »
Dans le moment qu’ils tenaient ces propos, le lion sort, et vient d’un pas agile.
Le fanfaron aussitôt d’esquiver : « Ô Jupiter, montre-moi quelque asile, s’écria-t-il, qui me puisse sauver ! »
La vraie épreuve de courage n’est que dans le danger que l’on touche du doigt :
Tel le cherchait, dit-il, qui, changeant de langage, s’enfuit aussitôt qu’il le voit.
La Poule aux oeufs d’or
L’Avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux pour le témoigner que celui dont la Poule, à ce que dit la fable, pondait tous les jours un œuf d’or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor. Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable à celles dont les œufs ne lui rapportaient rien, s’étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches : Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus , qui du soir au matin , sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être riches ?
Le Vieillard et l’Ane
Un Vieillard sur son âne aperçut en passant un pré plein d’herbe et fleurissant :
Il y lâche sa bête, et le grison se rue au travers de l’herbe menue, se vautrant, grattant, et frottant, gambadant, chantant et broutant, et faisant mainte place nette.
L’ennemi vient sur l’entrefaite. Fuyons, dit alors le Vieillard. Pourquoi ? répondit le Paillard. Me fera-t-on porter double bât, double charge ?
Non pas, dit le Vieillard, qui prit d’abord le large. Et que m’importe donc, dit l’âne, à qui je sois ?
Sauvez-vous, et me laissez paître : notre ennemi, c’est notre maître : Je vous le dis en bon françois.
Il existe environs 250 fables de la Fontaine avec les animaux. Pour les personnes qui désirent en connaître plus, elles peuvent les trouver sur l’excellent site internet d’où sont tirées les fables de ce sujet.